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Analyse Projet Centre d'Archives et de Documentation Homosexuelles de Paris APCADHP
citations à caractère critique, polémique, pédagogique et/ou scientifique des informations

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12 4 2005 > par Marie-Hélène Bourcier [ SexPolitiques - Queer Zones 2 ] éditions La Fabrique
http://www.lafabrique.fr/ article_auteurs.php3?id_article=85

Sex and the city
épisode 2
[ pages 95 à 103 ]

Chronique d'une promesse électorale :
le Centre d'Archives et de Documentation Homosexuelles de Paris
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« Est-il possible que l'antonyme de l'"oubli" soit non pas "l'acte de mémoire" mais la justice ? [...]
Car s'il est juste de se rappeler l'avenir et l'injonction de se rappeler,
à savoir l'injonction archontique de garder et de rassembler l'archive,
il est non moins juste de se rappeler les autres,
les autres autres et les autres en soi. » [22]
Jacques Derrida

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2001 - 2002 : Maux d'archives
« devoir de mémoire » ou exclusions ?
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En mars 2001, le candidat à la mairie de Paris, Bertrand Delanoë, a glissé dans son panier de promesses électorales la création d'un centre d'archives dédié au mouvement homosexuel français [23].

En septembre 2002, le Conseil de Paris accorde une subvention de 100.000 euros à une association de préfiguration d'un centre d'archives homosexuelles de Paris (le CADHP).
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Problème : le projet se payait le luxe de faire l'impasse sur la plupart des minorités sexuelles et de genre. Sans parler des minorités visibles.

Ne figuraient quasiment aucune référence lesbienne et aucune référence transsexuel(l)e ou transgenre dans la bibliographie. Le budget publicitaire n'allait qu'aux supports gais, parisiens et régionaux [24]. Les annexes du projet traitaient exclusivement de l'histoire du Paris gai.

Homocentré et homonormatif, le futur centre faisait l'économie de pans entiers de la culture gaie : la pornographie et les cultures SM.

Et comme il fallait aussi exclure Act-Up Paris, le sida n'était pas évoqué [25].

Mais il y avait pire : nombre des fonds d'archives listés par le CADHP l'étaient à l'insu de leurs détenteurs qui n'avaient tout simplement pas été contactés.
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Fermé sur sa culture « homosexuelle », le centre négligeait également l'apport d'expériences bien antérieures en matière d'archives :

- comme le travail de Hoang B. Phan et Thomas Leduc, fondateurs de l'Académie Gay & Lesbienne, [26]

- ainsi que les réalisations du Centre Européen de recherches, d'études et de documentation sur les sexualités plurielles et les interculturalités, de Patrick Cardon à Lille.
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Compte tenu de tous ces manquements et comme l'initiateur du projet - Jean Le Bitoux [27] - et le président de l'association à l'époque - Christopher Miles - refusaient tout dialogue avec les parties concernées mais oubliées [28], les groupes Archilesb!, VigiTrans et LopattaQ se sont formés en 2002 pour que le projet devienne représentatif et que son contenu scientifique et politique soit revu et enrichi.

Nous demandions notamment que les lesbiennes, les transsexuel(le)s et les transgenres soient intégrés dans la réflexion et les circuits de décision dès la phase de préfiguration - en un mot, que le futur centre compte avec toutes les minorités sexuelles et de genre, mais aussi ethniques.

Nous avons lancé une pétition en France et à l'étranger en octobre 2002 qui a recueilli plus de mille signatures réunissant des activistes, des universitaires, des chercheurs indépendants, des figures des études LGBT, des associations, des particuliers transpédégouines ou non, désireux de voir mis en place un dispositif de recueil, de construction et de diffusion d'archives, dédié aux minorités sexuelles et de genre, qui ne soit ni excluant ni scientifiquement archaïque [29].

L'autre objectif de ces groupes d'archivaction était qu'un débat public soit ouvert sur la question des archives LGBTQ et sur les orientations du projet.

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2003 : Retour à la case préfiguration
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Toujours aussi peu ouverte aux propositions et aux critiques, l'association de préfiguration du CADHP s'est contentée de procéder, en mai 2003, à un changement de son conseil d'administration et de son bureau, et de trouver un nouveau président ( Stéphane Martinet, maire adjoint du XIe arrondissement chargé des relations avec la mairie de Paris ).

Un espace de 40 m2 a été fourni par la Ville de Paris, rue Notre-Dame-de-Nazareth, dans le IIIe arrondissement, mais il était bien précisé qu'il ne pouvait ni être ouvert au public ni recevoir des archives !

Cet espace, toujours fermé, n'aura pas servi à grand-chose à part accueillir deux ou trois réunions de préfîgurateurs. Combien a-t-il coûté ?

A-t-il été une simple boîte aux lettres, comme l'indiquait la plaque gravée à l'entrée sur laquelle on pouvait lire « Association de préfiguration du CADHP » ? À quoi peut bien servir un local de préfiguration ?
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Les étagères de l'Académie Gay & Lesbienne ploient sous les documents de toutes sortes alors que celles du local de la rue de Nazareth étaient et sont encore vides !

Était-il acceptable que le président et co-fondateur, B. Phan Hoàng ainsi que le vice-président de l'Académie Gay & Lesbienne, Thomas Leduc, soient qualifiés péjorativement de « simples collectionneurs » [30] au vu de l'exceptionnelle inefficacité du CADHP ?

L'Académie Gay & Lesbienne abat un énorme travail sans aide ni subvention.

Les fous d'archives, les collectionneurs sont les premiers acteurs des centres d'archives.

Sans eux, sans les fondations contingentes qu'ils représentent, les archives ne sont rien et beaucoup de documents seraient perdus.

C'est un mépris bien français et bien centralisateur que de les rejeter : sur sa carte de visite, Gérard Koskovitch, des archives de San Francisco, arbore fièrement sa qualité de « collectionneur ».
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L'association de préfiguration du CADHP n'avait rien trouvé de mieux que de se doter d'un salarié, qui n'était autre que Jean Le Bitoux, pour revoir la copie du projet.

Suite à une série d'articles parus dans la presse [31], la mairie de Paris l'avait sommée de ne pas ignorer les critiques d'Archilesb! et de VigiTrans en matière de représentativité de l'équipe en charge du projet.

Malheureusement, le discours paritaire biolo-gisant d'Anne Hidalgo, s'était substitué aux demandes de «parité culturelle» avancées par Archilesb! et VigiTrans lors de leurs rendez-vous avec l'adjoint au maire chargé de la culture, Christophe Girard et auprès de Clémentine Autain.

Aux deux premières listes de participants avait donc succédé une troisième, avec « un côté homme » et « un côté femme ».

Archilesb! et VigiTrans continuèrent de faire entendre que la parité biologique était bien en-deçà des exigences requises pour le fonctionnement d'un centre d'archives et de documentation pour et sur les minorités sexuelles, de genre et ethniques.

Voulait-on un centre simplement articulé sur la différence sexuelle, voire l'orientation sexuelle, ou bien un centre susceptible de faire vivre dans ses fonds et ses activités la mémoire des discriminations et des infradiscriminations ?

En attendant, le futur centre avait réussi à entamer la confiance des futurs archivés [32].

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2004 : On ferme !
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Mars 2004 devait être la date de l'ouverture du Centre. Mais au printemps, toujours rien [33]. Retour à la case départ. Deux années perdues.

À défaut de voir ce centre s'ouvrir, on pouvait toujours attendre la réouverture du défunt site web de l'association de préfiguration.

La liste de discussion avait été fermée en 2003 lorsque les critiques avaient fait leur apparition dans la presse.

Le site aurait pu animer les débats publics. Il aurait pu permettre de rester en contact avec les futurs archivés mais cela ne fut jamais le cas.
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Un article paru en janvier 2004 dans le gratuit gay Illico - qui s'est distingué par une très aimable couverture de l'actualité CADHP - nous a appris que le centre concoctait une Nième restructuration de ses comités et ouvrirait en 2005.

Serait-ce que les critiques épistémologiques formulées par Archilesb! et VigiTrans avaient été entendues ? [34]

Espérons que les noms des nouveaux participants correspondront à quelque réalité : dans la présentation du projet par Christopher Miles dans la revue Triangulère [35] en 2003, des élues de la mairie de Paris, des avocats, des écrivains, des chercheuses, des militants et des militantes figuraient sur la liste à leur insu.

Le tropisme moderniste qui marque le centre depuis le départ et qui l'a amené à défendre une vision dix-neuviémisante de l'archive a-t-il enfin disparu ?

On peut légitimement en douter quand on lit que le centre se donne désormais pour objectif la reconstitution de « l'histoire d'une émancipation » [36]. En effet, le projet CADHP réformé se propose de restituer « une histoire globale d'émancipation sociale et psychologique (?)  face à la condamnation morale et normalisante, le pouvoir des lois et l'obsession des médecins » [37].

Ce faisant, l'association de préfiguration du CADHP rempile sur les archives des XIXe et XXe siècles. Paris mais pas Lutèce ! L'homosexuel mais pas le sodomite ou la tribade ?

Non seulement le récit de l'émancipation de « l'homosexuel » ne peut être rabattu sur l'ensemble de « l'histoire » des minorités sexuelles, de genre et ethniques, mais une telle orientation ne peut qu'aboutir à masquer les zones d'ombre : infra-discriminations, culture hellénico-pédérastique. Le futur centre va-t-il écrire la légende rose des gais ?

Tous les centres LGBT politiquement et culturellement sérieux ont cherché à éviter une conception idéologique, angélique ou victimisante de l'histoire. Le paradigme de l'émancipation comme fil conducteur est aussi peu rassurant que la priorité accordée naguère à « l'homosexualité masculine » et qui continue de faire rage [38].

On ne se refait pas : dans le projet qui figurera dans le dossier de demande d'obtention d'une nouvelle subvention à la mairie de Paris et d'une subvention au conseil régional d'Ile-de-France, la vocation du centre redevient très homosexuelle : « Fort ainsi d'une véritable légitimité scientifique, culturelle et citoyenne, le futur centre doit réunir un large soutien de chercheurs, comme de toute la communauté homosexuelle. »

Rappelons que les centres d'archives LGBT existants se sont justement donné comme priorité de ne pas se focaliser sur les archives de l'homosexualité dite masculine en raison de son abondance par rapport aux sources et fonds disponibles pour les autres minorités sexuelles, de genre et de « race ». C'est notamment l'option prise par les archives de San Francisco.

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2005 : ... ?
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Si les idées et suggestions avancées par Archilesb! et VigiTrans semblent avoir été reprises sur le papier par le futur CADHP - qui ne les en crédite pas et c'est dommage -, c'est qu'elles relevaient d'évidences qu'auraient dû partager les concepteurs du centre dès le départ.

Parmi elles, le fait d'associer toutes les minorités sexuelles et de genre au projet et d'atteindre une forme de repésentativité subculturelle. Ce n'est pas en intégrant « une trans par-ci » et « une lesbienne par-là » que celle-ci sera atteinte.

Encore faut-il que les nouveaux venus soient décisionnaires et en lien avec leurs cultures. À recruter des républicanistes encartés au PS, on s'éloignera à vitesse grand V des préoccupations spécifiques des archivé(e)s.

On frémit un peu de lire que le centre « imagine un centre idéal » tout seul. Le CADHP a été contraint de comprendre qu'il fallait rompre avec un homocentrisme patent et arrogant. Ce que les nouveaux responsables n'ont toujours pas intégré, c'est qu'il est tout aussi obscène de prendre la pose compassionnelle auprès des autres minorités.

Il ne s'agit pas d'oublier personne, mais de travailler avec tout le monde. Il ne s'agit pas de rajouter le T des trans ou le L des Lesbiennes, voire le P de Pute [39] dans le dossier, mais de mener ce projet d'archives et de production de la trace avec les premièr(e)s concernés.

Et ce n'est pas en virant Jean Le Bitoux [40] ( l'initiateur du projet et le seul salarié de l'association pendant deux ans dont on se serait finalement rendu compte qu'il n'était pas compétent ) et en recrutant un archiviste professionnel « mystère » dont le nom n'a pas été révélé que les choses vont progresser.

Pourquoi avoir recruté un archiviste quand on n'a pas d'archives ? Pourquoi ne pas avoir recruté un archiviste gai ou de culture LGBT ?

Anne Singer, militante de longue date et coordinatrice du festival de films VIH en 1994 aux côtés de Gilles Châtelet et Franck Arnal a eu la mauvaise surprise, il y a peu, de voir débarquer chez elle l'archiviste mystère qui a lui a bien précisé qu'il n'était pas gai et ne connaissait rien à la culture gaie. Par contre il lui a longuement expliqué comment indexer son fonds de cassettes vidéos ( plus de 650 ).

À qui croyez-vous qu'Anne Singer a finalement vendu sa banque de données et ses films ? À l'Académie Gay & Lesbienne. Ils sont nombreux, ceux et celles qui ne veulent pas donner leurs archives à un tel centre.
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On peut s'interroger sur les motivations réelles de l'équipe actuelle. La question de l'indépendance du centre mérite d'être posée.

Pourquoi est-il présidé par un membre du Parti socialiste qui est aussi l'adjoint au maire du XIe arrondissement de Paris ? Quid de la forte présence de membres ou de proches du PS dans le projet ?

La nomination d'un Adjoint au maire pour présider n'est-elle pas contraire à l'évolution de la jurisprudence en matière de financement des associations ?

On ne peut plus attendre que sorte un énième organigramme approuvé par un conseil d'administration. Repenser le fonctionnement des comités aurait dû se faire grâce à une réunion de mise à plat avec les différents interlocuteurs et acteurs volontaires, comme convenu avec Christophe Girard en février 2003 [41].

Pour cela, il aurait fallu que M. [Stéphane] Martinet (PS) et l'InterLGBT ( [proche] PS ) ne bloquent pas la mise en place de cette réunion.
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Il est toujours crucial d'adopter une vision constructiviste de l'archive ( toujours le résultat de processus, d'invention ) et de ne pas en réserver la construction aux élites ou aux universitaires. Ce qui revient à prendre conscience du caractère construit, voire fictionnel de l'archive qui n'est pas forcément assumé par les historiens eux-mêmes.

Il est important de compter avec tous les acteurs de l'archive et non simplement sur des donateurs. Le don n'est pas l'origine de l'archive.

Les responsables du CADHP devraient cesser de considérer les quelques interlocuteurs qu'ils ont consultés comme des donateurs obligatoires, des informateurs sur des cultures qu'ils ne connaissent pas, de simples responsables d'association dont on va pouvoir photocopier les archives. Quand ils prennent la peine de les contacter.

Au jour d'aujourd'hui, nous devrions être en phase de tests d'usages, de structures et d'organisation, en s'appuyant sur des études et des simulations avec les futurs usagers. À l'image de la phase de configuration de l'Inathèque, qu'il a fallu mettre sur pied suite à la généralisation du dépôt légal des archives audio-visuelles en 1997.

Il y a urgence à développer un programme spécifique réunissant des projets d'archive vive ( populaire, orale et minoritaire, comme l'exigent Archilesb! et VigiTrans depuis 2002 ), pour contre-balancer une vision archéologique et historicisante de la politique archivistique et un discours convenu sur « la mémoire », source d'erreurs et d'exclusions.

Urgence à éviter le mono-archivage renaturalisant qui amènerait à penser que les homosexuel(le)s sont les ancêtres de toutes les minorités sexuelles et de genre.

Urgence à réintroduire, et pas simplement sur le papier, les thématiques invisibilisées : le sida, la culture SM, la pornographie, le travail du sexe, les minorités ethniques et sexuelles pour anticiper les « trous de mémoire ».
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Cette année, les archives de San Francisco fêtent leur 20e anniversaire [42]. C'est en 1985 que la GLBT Historical Society a lancé l'aventure avec une cinquantaine de personnes qui se sont retrouvées à une réunion publique organisée à l'initiative de collectionneurs indépendants.

Pour archiver fièrement, il est plus que temps de procéder à des consultations publiques associant tous ceux et celles qui veulent participer à l'élaboration de ce centre.

Le CADHP doit rompre avec des méthodes qui ont suscité la polémique parce qu'elles sont opaques et non consultatives.
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Et, last but not least, la mairie de Paris doit prendre ses responsabilités [43]. Alerté à plusieurs reprises, [ Bertrand ] Delanoë ne bouge pas. Christophe Girard a peur et tout le monde renvoie la patate chaude à Odette Christienne, chargée de la mémoire et des anciens combattants, qui n'entend rien en matière d'archives des minorités et qui se débarrasserait volontiers du dossier si elle pouvait.

Le double discours doit cesser : la mairie de Paris ne peut plus continuer de dire qu'elle n'interfère pas avec l'association alors que le dossier scientifique plus que défaillant a été validé par ses services en 2001 et qu'elle se doit de demander des comptes sur l'argent public confié au CADHP.

Le problème, c'est qu'il devient évident qu'il s'agit de réaliser une promesse électorale à n'importe quel prix.
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[ pages 281 à 283 ]

NOTES :
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- [23] - Au-delà de la mémoire de la déportation, le mouvement homosexuel français a toujours été fragile lorsqu'il s'est agi, depuis cinquante ans, de conserver et de transmettre son histoire [...] C'est pourquoi la possibilité de créer un lieu de documentation, d'information et de recherches autour de cette mémoire a retenu toute mon attention. Réponse écrite de Bertrand Delanoë aux questions posées aux candidats à la mairie de Paris par l'association Lesbian & Gay Pride-Ile de France, 2 mars 2001.

- [24] - Budget de fonctionnement indiqué pour la publicité : 1/4 de page dans Têtu : 20.000 F, 1/4 de page dans Illico : 10.000 F, presse régionale gai : 20.000 F.

- [25] - L'histoire se répète. En 1991, Act-Up Paris avait déjà quitté la Maison des homosexualités à cause de la non-prise en compte des lesbiennes et du sida, critiquant ainsi la politique de Jean Le Bitoux, l'un des co-fondateurs ( Action n° 004, novembre 1991, p. 7 ). Rappelons qu'en 1990, une première subvention de 50.000 francs avait été accordée par le ministère de la Culture pour un projet de centre d'archives au sein de la Maison des homosexualités ( cf. Décharges publiques par Jean Le Bitoux in Illico, octobre 1991, p. 12 ). Malgré les subventions publiques, celui-ci n'a jamais abouti.

- [26] - L'Académie Gay & Lesbienne a réuni plus de 20.000 documents [ collectés et archivés ] depuis 1975 http://www.archiveshomo.info

- [27] - Fort de sa qualité de président du Mémorial de la déportation homosexuelle et de l'injonction au droit de mémoire, Jean Le Bitoux est toujours resté insensible aux critiques en matière de représentativité. Il s'est opposé dès le départ à la présence de Marie-Jo Bonnet, historienne de référence dans la culture lesbienne française et dont la thèse sur les relations entre les femmes dirigée par Michelle Perrot ( Les Relations amoureuses entre les femmes du XVIe au XXe siècle, Odile Jacob 1995 ) est devenu un classique.

- [28] - En juillet 2001, Christopher Miles m'avait demandé de faire partie du projet. Après lecture de la première mouture, je lui avais fait part de mes réserves - le mot est faible. C'est en voyant que Jean Le Bitoux refusait de réagir que j'ai décidé de ne pas faire partie d'un projet discriminant et d'agir dans le cadre d'Archilesb!

- [29] - Parmi les signataires : Teresa de Lauretis, les Lesbian Archives de New York, Alain Touraine, Virginie Despentes, Martha Gever, la Coordination Lesbienne de France, Stephen Whittle... ; Liste disponible sur http://perso.wanadoo.fr/ coalition.lgbtq/pet_archi.html

- [30] - Sans parler des propos racistes à l'encontre de Hoang B. Phan que j'ai pu entendre à la mairie de Paris. Stigmatisation de son accent ; remarque selon laquelle il ferait mieux de s'occuper d'une association de convivialité asiatique plutôt que d'archives.

- [31] - Voir notamment l'article de Maria Grazia Meda, Gay che non amano le donne dans le supplément magazine de La Reppublica, 22 février 2003 ; le dossier Paris brûle-t-il ? dans le magazine suisse LGBT 360°, mars-avril 2003 ; et l'article du Monde du 29-30 juin 2003, Quand les lesbiennes demandent la "parité" avec les gays par Clarisse Fabre.

- [32] - Lors de la présentation de l'état d'avancement du projet le samedi 24 mai 2003, lors de la réunion du conseil de l'Inter-LGBT, de nombreuses associations présentes avaient fait part de leurs inquiétudes vis-à-vis du projet en pointant un manque de transparence, un parti-pris scientifique toujours discutable et le fait que la phase dite de préfiguration se soit limitée à un lifting.
Devant le manque de crédibilité et de légitimité du projet, L'Académie Gay & Lesbienne, le Centre Gai et Lesbien avaient réaffirmé comme d'autres (Henri Maurel président de FG, le CARITIG, les détenteurs des archives de Gai Pied qui engagent des frais tous les mois pour préserver leurs archives dans des conditions optimales) leur volonté de ne pas confier leurs archives au centre en l'état.
Au cours de cette même réunion, l'InterLGBT, dont il faut rappeler les liens privilégiés qu'elle entretient avec le Parti Socialiste, a refusé de porter au vote le renouvellement de la confiance à un projet si peu avancé et a empêché la création d'une archive en interdisant que le débat soit filmé par un journaliste alors que la réunion était publique.

- [33] - L'Association en charge de la Préfiguration du CADHP constituée en décembre 2001, s'était définie la tâche d'évaluer précisément à horizon 2003 la faisabilité et le coût des services suivants :
. recueillir les promesses de dons et évaluer l'ampleur du fond initial à constituer ( différentes étapes ) y compris les acquisitions ;
. chiffrer le coût de la salle de consultation de la partie bibliothèque du centre de documentation ;
. élaboration d'un cahier des charges pour le site Internet et avancement sur le projet, le site étant destiné à devenir un portail ;
. affiner le fonctionnement du comité d'acquisition et des différentes commissions ;
. assurer le passage de la structure associative initiale pour la préfiguration ( statut loi de 1901 doté d'un bureau et d'un conseil d'administration bénévoles ) vers une fondation ou une association reconnue d'utilité publique ;
. trouver un local et un espace de stockage pour recueillir les archives nécessitant un sauvetage d'urgence ;
. réaliser des études dans la domaine juridique ( rémunérées ) dans le domaine informatique ainsi que dans le domaine de l'archivage et du catalogage ( non rémunérées ) ;
. identification et mobilisation des participants bénévoles au projet ;
. identification et recherche des premiers financements privés ;
. création d'une association d'amis destinée à collecter les fonds privés.

- [34] - Dès janvier 2003, Archilesb! et VigiTrans ont demandé à ce que la structure des comités et sous comités soit revus. Dans leur structure, les sous-comités ( médecins, juristes, sexologues... ) épousaient la forme production de l'homosexualité au xixe siècle. Sans compter que la plupart d'entre eux étaient composés d'experts fantômes, listés à leur insu ou ayant signé les pétitions d'Archilesb! et de VigiTrans. Cf. communiqué de presse Archilesb! et VigiTrans n° 5, 9 janvier 2003.

- [35] - Présentation du projet du centre d'archives par Christopher Miles dans la revue Triangulère n° 1, 2003, pp. 46-47.

- [36] - Centre d'archives : ouverture en 2005 par Jean-François Laforgerie, Illico, op. cit., dans la rubrique Archives gay bien sûr.

- [37] - Ibid.

- [38] - Dès 2002, Archilesb! et VigiTrans ont rappelé que Hirschfeld fut un pionnier en matière de changement de sexe et qu'il archiva tous les types d'intermédiaires sexuels ( homosexuel(le)s inclus ) ; que la priorité donnée à l'homosexualité masculine, pour fausse qu'elle soit historiquement, servait à fixer un ordre de passage entre les minorités sexuelles et de genre qui n'avait pas lieu d'être et aboutissait à une conception gaie-centrée de l'histoire.
Le travail d'archivage et d'analyse de Susan Stryker, transsexuelle, directrice de la GLBT Historical Society ( les archives de San Francisco ) a montré qu'il était impossible d'originer les mouvements politico-sexuels de la deuxième moitié du xxe siècle avec la révolte gaie de Stonewall de 1969 ( GLQ, vol. 4, n° 2, 1998 ).

- [39] - Dès 2003, Archilesb! et VigiTrans ont demandé à ce que soit posée la question des archives des travailleurs/euses du sexe, nombreux dans la capitale. En cette fin d'hiver 2005, aucune association de travailleuses du sexe, aucun représentant du mouvement des prostituées n'a été contacté.

- [40] - Jean Le Bitoux a été contraint de démissionner l'automne dernier : Son unique salarié Jean Le Bitoux, figure de la communauté homosexuelle vient en effet d'être licencié. Et on ignore encore l'état réel d'avancement du projet, in Luc Biecq, Centre d'Archives Homo, l'erreur de casting, Têtu n° 93, 2004, p. 58.

- [41] - Archilesb!, VigiTrans et le collectif LopattaQ ont été reçus à la mairie de Paris le mercredi 26 février 2003 par Christophe Girard, adjoint à la culture au maire. À l'issue de cette rencontre productive, l'engagement fut pris par Christophe Girard d'organiser aussi rapidement que possible une réunion de travail avec toutes les parties concernées (cf. communiqué de presse Archilesb! VigiTrans n° 6, 1er mars 2003). Clémentine Autain et Nicole Azarro avaient donné leur accord pour assister aux travaux de cette réunion de mise à plat en tant que référentes de la mairie de Paris.

- [42] - Cf. couverture du San Francisco Chronicle en date du 29 janvier 2005 et l'article de Rona Marech, Treasure trove of gay and lesbian artifacts, Queer Smithsonian in SF célébrâtes its 20th anniversary. Merci à Georges Koskovitch de m'avoir indiqué cet article.

- [43] - Dans le ratage sans fin de ce projet de centre, la pseudo communauté LGBT française a aussi ses responsabilités. Trop de blocages persistent dès que la critique s'énonce. Menaces de procès, procès par la bande, injures misogynes, invisibilisation dans la presse communautaire, anti-intellectualisme, telles sont trop souvent les réponses que l'on récolte sur un sujet aussi crucial.

- [44] - Pendant que le CADHP préfigurait et repréfigurait, Archilesb! et VigiTrans se sont dotés d'ArchiQ, un groupe de réflexion sur les archives sur la notion d'archivé vive.
. Merci à toutes celles et ceux qui y ont participé de près ou de loin : l'Académie Gay & Lesbienne, l'ASB (Association du Syndrome de Benjamin), le CARITIG (Centre d'Aide, de Recherche et d'Information sur la Transsexualité et l'Identité de genre), le PASTT (Prévention Action Santé Travail pour les Transgenres), Malika Annouche (Femmes publiques), Camille Cabrai (présidente du PASTT), Sylvia Casalino (Archilesb!), Claire Carthonnet (ancienne porte-parole de CABIRIA, ex-présidente de Femmes publiques), Marco Dell Omodarme (LopattaQ), Sabrina Garnier (responsable des archives à Act-Up Paris), Armand Hotimsky (président du CARITIG), Pascale Ourbib (PASTT), Dominique Place (ex-vice-présidente du CARITIG), Jean-Christian Régnier (LopattaQ), Tom Reucher (VigiTrans, ex-président de l'ASB et co-fondateur de la marche de l'ExisTrans).


12 4 2005 > par Marie-Hélène Bourcier [ SexPolitiques - Queer Zones 2 ] éditions La Fabrique
http://www.lafabrique.fr/ article_auteurs.php3?id_article=85

ISBN 2-913372-44-9 : avril 2005
320 pages : format 13 x 20 cm

SEXPOLITIQUES
Queer Zones 2
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Avec Sexpolitiques, Queer Zones 2, Marie-Hélène Bourcier récidive et reprend là où elle nous avait laissé trois ans plus tôt : sur cette zone mobile et brûlante qu’est la frontière entre la sexualité, les genres, la race et l’espace public.

Jamais le sujet n’a semblé plus pressant.

À l’heure du mariage gai et du gay friendly, Bourcier frappe fort avec comme cible première : la république, ou plutôt ce qu’il en reste, « la Rep », avec son hétérocentrisme et son racisme vicéral.

Derrière la Rep rose, c’est l’homonormalité bon teint qui se dresse, derrière la Rep de l’intégration, c’est l’impudence post-coloniale qui continue de dépolitiser ou de victimiser les minorités sexuelles, de genre et ethniques.

Mais alors que pour les Américains, la politique des différences et des post-identités peut espérer contrecarrer l’évangéliste Bush, l’auteur montre qu’en France, c’est l’élitisme idéologique faux-fuyant du régime républicain assorti d’un intellectualisme prudent qui domine et bloque les minorités et les politiques respectueuses de la diversité.

Bourcier propose donc une impitoyable généalogie des maîtres et des savoirs en chef, n’épargnant ni Bourdieu (et ses blocages antiféministes) ni la reine psychanalyse, ou encore le lesbianisme radical qui méconnaît les bienfaits des concerts de Madonna en frac.

Et quand l’auteur évoque Foucault, ce n’est pas l’intégrale, l’intégriste, le souci de soi ou un Foucault momifié et béatifié qui émerge, mais un Foucault actualisé, hybride, cyborguisé, d’autant plus séducteur et politique.
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Une des forces de ce livre consiste à surimposer les espaces de controverse pour faire émerger les aberrations identitaires qui nourrissent tant les prétentions politiciennes classiques que les revendications gaies et lesbiennes.

Mais Bourcier n’oublie pas de visibiliser les subcultures émergentes, les nouvelles formes de résistance politico-sexuelles, la révolte des anormaux, la post-pornographie, les masculinités, les féminités et les nouveaux corps qui surgissent dans un monde décidément trop étroit.

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Marie-Hélène Bourcier est sociologue, activiste queer et maître de conférences chargée de recherches à l’université de Lille III et à l’EHESS (Cadis).

Elle est l’auteur de nombreux ouvrages et articles sur la théorie queer, les subcultures sexuelles et les minorités en France et à l’étranger.

Elle est également chroniqueuse sur Pink TV.

Dernier ouvrage publié : Queer Zones, politiques des identités sexuelles, des représentations et des savoirs, Balland, 2001.
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